© Guillaume COLLOMBET ~photos de nature~

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La Quête du Gypaète

Publié le samedi 7 janvier 2012


Il est là, dans un de mes rêves.
Il est là, flottant sur la brume, et parcourant l'immensité de la montagne.
Il est là,

Le gypaète.

10 ans...
Je n'avais pas encore 10 ans quand on m'a parlé de cet oiseau, et dès le lendemain il m'est apparut pour la toute première fois, comme par magie.

Pour moi, c'était l'oiseau rare.
L'oiseau qui était plus grand que l'aigle royal,
L'oiseau qui me faisait rêver aux montagnes lointaines et sauvages de l'Himalaya.
C'était l'oiseau qui vivait là-haut, au dessus des centaines de mètres de vide, dans des parois vertigineuses qui subissaient les tempêtes de neige et l'emprise de la glace.
Là-haut, où seuls résonnaient les cris des chocards qui se perdaient en échos dans le vide et le brouillard...
C'était l'oiseau inaccessible.


Je me suis plongé dans des livres pour en savoir plus sur lui.
Je rêvais aux expéditions de quelques passionnés qui étaient partis dans les coins les plus reculés des Pyrénées pour savoir s'il restait encore des gypaètes ou s'ils avaient disparu, comme dans les Alpes, avant qu'ils ne soient réintroduits.
Et ils trouvèrent des nids utilisés.

À mon tour je partais en montagne pour espérer le revoir, et qu'importe la pluie où la neige,
la passion qui naissait était plus forte.

Aujourd'hui, toutes ces rencontres avec l'oiseau mythique restent vives dans mon esprit : là-haut en pleine escalade de via ferrata, je l'ai découvert posé sur un pic rocheux juste dessous moi. Là-haut il s'est battu un jour avec un aigle, tournant dans les airs en se tenant par les serres, en chute libre...

Et pourtant, les photos me manquaient : trop loin, soleil trop dur, pas de belle ambiance...
Mais il faut dire que je n'ai jamais voulu l'attirer.

Je le laissai choisir nos rencontres et surtout garder sa part de mystère, de furtif et d'insaisissable.
Les rencontres n'en sont que plus belles.

Et c'est sûrement grâce à lui que j'ai découvert toute cette vie cachée qui parcourt la montagne et dont je suis devenu passionné.

Histoire d'une rencontre, d'envergure...


Dehors, les sons paraissent étouffés, feutrés. Il a neigé dans la nuit, j'en suis sûr. Et à bien écouter l'ambiance, il neige sûrement encore.
J'ouvre mes volets, et tout est blanc !
Vite, je n'ai pas une minute à perdre, il faut que je parte le plus rapidement possible pour traverser la forêt si je veux voir les bouquetins, car là-haut les flocons peuvent se remettre à tomber !
Et si la limite des nuages reste à basse altitude, c'est là que j'ai la plus grande chance d'apercevoir le gypaète, car il vole souvent au ras des nuages.


Sac à dos chargé, appareil photo toujours prêt... Je pars en camouflage neige, me fondre dans cet univers blanc.
Je n'entends que mon cœur qui résonne, car je marche avec cadence. Il faut que je me dépêche.
Mais se déplacer dans la neige est épuisant.
Je ne peux pas garder ma veste, sinon je vais transpirer dedans et geler quand je vais m'arrêter.
Mais quand je l'enlève, le moindre petit oiseau qui vient se poser au dessus de moi me fais prendre une bonne douche de poudreuse !


Mon sentier s'enfonce dans la forêt blanche et le silence devient maître.


Pourtant je ne suis pas seul. On m'observe discrètement par ici ou par là.
Mais un chevreuil peut en cacher un autre, combien en voyez-vous sur cette photo ?


Le petit ruisseau scintille avec ses belles sculptures de glace. Il dégage une teinte bleu sur la neige alentours.
Mais pour le traverser, il faut faire attention où on pose les pieds !



Le chemin continu, changé en sucre glace pour les gourmands, en coton pour les tendres, ou en poudreuse pour les skieurs...


Au fil des pas, la forêt s'éclaircit.
Je m'approche de la limite des nuages.


Là-haut, en sentinelle, le petit faucon crécerelle veille.



La neige se remet à tomber. Les flocons deviennent de plus en plus gros. L'ambiance est incroyable.
Aller, j'y suis presque, il faut que je grimpe encore. La pente se fait plus forte. Les rochers cachés par la neige glissent. Mais les bouquetins ne doivent plus être loin !
Et juste là, derrière l'un des derniers arbres, je retrouve une "vieille branche" qui fait face aux intempéries.


Ils sont là, toujours fidèles au rendez-vous. Les bouquetins ne craignent pas le froid avec leurs différentes sortes de poils qui s'entrecroisent.


Ce sont des animaux sublimes.
Placides, imperturbables, qu'il neige, qu'il gèle ou qu'il vente.
Ce sont des forces tranquilles, qui atteignent une centaine de kilos de graisse et de muscles.


Le gros mâle n'est pas seul. Il y a des femelles à une dizaine de mètres de lui.
Et quand je m'approche d'elles discrètement,
je découvre un cabri né ce printemps qui s'amuse à enfoncer sa tête dans la neige et la ressortir toute blanche.


Voilà déjà une demie-heure que je suis là, et les bouquetins se sont rapprochés de moi.
L'ambiance est magnifique. Je regarde parfois un peu plus haut, mais on ne voit rien. De toute façon, je ne pense pas que le gypaète vienne voler dans ces conditions.



Comme un prince de l'hiver,
un jeune mâle vient trôner sur son territoire,
avec une couronne de neige...


Mais soudain les flocons deviennent plus fins. Les nuages regagnent de l'altitude.
Et lentement, la montagne se dévoile.


Des chocards, oui, des cris de chocards résonnent. Il doivent être en train de voler, quelque part dans les nuages...


La grande paroi se découvre à son tour entre deux écharpes de brumes.
Des bouquetins sont restés là-haut, au dessus du vide.
Peut-être que là-haut la neige a plus de mal à tenir, mais en tout cas, le moindre déplacement peut être délicat.


Les cris des chocards s'approchent dans la paroi figée par la glace.


Soudain, une grande silhouette plane dans le brouillard !
Elle se rapproche. Je la suis avec mon appareil photo.
Je dois attendre, elle ne devrait pas tarder à sortir des nuages.

C'est un jeune aigle royal. Il vient tourner majestueusement dans les airs avant de s'estomper de nouveau dans le brouillard.


Il y a maintenant deux couches de nuages.
Une au dessus qui cache le sommet de la montagne, et une juste dessous qui commence à former une mer de nuage.
À chaque instant les tonalités changent, créant de belles ambiances.

Un bouquetin semble encore affronter la tempête dans la paroi.


Alors que plus haut, les crêtes commencent à se découvrir.


Je n'ai pas rêvé !
Je suis sûr que j'ai vu une silhouette !!!
Vu la taille et la longueur de la queue, je suis certain que... Oui, c'était le gypaète, il n'y a pas de doutes.
Mais il volait assez haut, et il n'est pas sorti des nuages...
J'espère qu'il va venir tourner au même endroit que l'aigle, il prend souvent ce courant d'air ascendant.

Je scrute le ciel.
Je cherche le moindre mouvement, je me tiens prêt, mais je ne vois rien.
J'essaye de repérer la moindre silhouette, mais tout se fond dans une couleur unie.
Je l'attends, mais la montagne est vide.

Il est parti...
Il gardera encore pour aujourd'hui sa part de mystère.



Non, il est là, il revient le long de la paroi !
Il descend, il se rapproche, et il passe juste derrière la bosse.
Le soleil commence a percer entre les deux couches de nuages.

Il ne devrait pas ressortir très loin, pourvu que je ne le rate pas !



Et le géant des airs apparaît, déployant ses 2,70 m d'envergure devant la grande falaise saupoudrée de neige.


Le jeune gypaète barbu se rapproche. Il descend au dessus des bouquetins.


Puis il plonge lentement dans la mer de nuage, en se rapprochant de plus en plus du sol, non loin de moi.
Mais le brouillard devient trop épais, et je n'arrive plus à le distinguer.

Est-ce qu'il s'est posé ?

Il y a de fortes chances, il faut que j'aille voir. Il est peut-être juste là.


J'avance, lentement, très lentement.
À chaque pas je m'enfonce délicatement dans la neige et je me rapproche du vide, au dessus du brouillard.
J'ai peur de le surprendre, peur de le voir s'envoler sans l'avoir vu posé. Je ne veux pas le déranger.

Mes yeux scrutent la moindre forme qui apparait au milieu des rochers et de la neige.
Les battements de mon cœur s'accélèrent. Je regarde partout et nulle part à la fois, car il peut être n'importe où.

Mes mains agrippent mon appareil photo. Mon doigt est déjà posé sur le déclencheur. Je suis prêt à viser.
Est-ce que l'appareil est bien en marche ? Mais oui, ça fait 3 fois que je vérifie !

Mais où est-il ?

Tout à coup une immense silhouette fine apparait en face de moi dans le brouillard.
Elle grossit, de plus en plus vite.
Elle est de plus en plus nette.

Il devrait passer juste dessous moi !
Non, juste au dessus !
Non, il est à ma hauteur !!! Et il me fonce droit dessus !!!

J'essaye de le suivre dans mon objectif.
Je fais une image et déjà la mise au point ne veut plus se faire, il est trop proche.

Alors j'enlève l'appareil de devant mon visage,

Et un instant le temps se suspend...

Là-haut, au bord du vide, les pieds dans une mer de nuage,

deux yeux bleus croisent deux yeux jaunes pâles cerclés de rouge.




Si j’avais tendu le bras, peut-être que j'aurai touché son aile.
Je ne sais pas...

Je me suis perdu quelque part,

dans le fond de son regard...


Texte et photos : Guillaume Collombet

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Vœux 2012

Publié le jeudi 5 janvier 2012


Je vous souhaite à tous une très belle année 2012 !
J'espère que vous prendrez du plaisir à parcourir ce blog et vous plonger dans les ambiances sauvages à travers mes récits et mes images.