Il fait nuit. Je pars du chalet, sac sur le dos, appareil photo autour du cou. L'air me parait humide, la nuit obscure, il n'y a aucune étoile et il ne fait pas très froid. Tout est calme, il n'y a pas de vent, pas le moindre bruit. Je marche, j'avance, le jour devrait se levé maintenant, la lumière devrait arrivée, mais rien ne se passe... Le soleil ne viendra pas.


Loin des images contrastées, saturées de couleurs flamboyantes, loin du soleil et de la lumière, nous partons, nous nous égarons dans un univers d'ombres, de lueurs, quelque part dans une montagne sauvage, où l'horizon n'est qu'un vide.
Un vide, rempli d'humidité, rempli de gris, de brume et de brouillard. Là-haut se trouve un univers de sensations à découvrir...


Les yeux se plissent, ils cherchent des repères. L'horizon n'existe plus, à quelques mètres tout disparait. Qu'est-ce qu'il y a devant ? D'où venons-nous ? Il n'y a plus rien.
Pourtant nous ne sommes pas seuls.
Mais sommes-nous sûres d'apercevoir ces silhouettes qui vont et viennent comme des fantômes à travers le brouillard ?

Pas à pas, les arbres surgissent, ils apparaissent un à un à travers la brume.


Les vieux mélèzes semblent se courber sous le poids du brouillard qui rampe.

La forêt s'efface derrière nos pas, elle disparait, mais elle s'allonge devant. Les branches s'entremêlent et se perdent dans...


Silence ! Il n'y a pas que des branches, j'ai cru voir quelque chose. Je ne suis pas sûre. Non il n'y a plus rien... Peut-être est-ce encore mon imagination qui me joue des tours, ce n'était peut-être que du bois tortueux que le brouillard anime.

Soudain il y a du bruit, juste ici, en dessous. Maintenant c'est certain, je ne suis pas seul. Mon regard scrute les alentours, mais il s'égare dans le brouillard... Je ne bouge plus. Je ne voie rien, mais j'écoute, je me concentre.
Tout à coup je me rend compte que je ne suis pas le seul à être attentif !


Un chamois est là, à quelques mètres. Il est apparut d'un coup, comme si le brouillard l'avait déposé.

Lentement, il avance devant moi, et s'enfonce dans le brouillard. Tout doucement je le suis. Tous mes sens sont en éveil, je m'arrête à chaque fois que quelque chose apparait. Je découvre le paysage au fur et à mesure... Soudain, il y a une silhouette. Alors je ne bouge plus. J'attends, avant de m'allonger avec une grande délicatesse dans l'herbe mouillée.


Le chamois disparait. Mais il y a toujours du bruit. Ce n'est pas le même que tout à l'heure. C'est un chant. Je le connait ce roucoulement !
Je décide de partir dans sa direction. J'avance avec mes oreilles, je pourrais presque fermer les yeux, cela ne changerait pas grand chose.
Le chant résonne de plus en plus fort. Je dois être tout près, je m'arrête. J'écoute. Il doit être là, mais je ne vois rien. Jamais je ne trouverais cet oiseau déjà si discret, surtout dans de telles conditions. Mais avant de repartir, je veux essayer.
J'imite le roucoulement sans trop y croire...
Soudain, je ne rêve pas, je vois du mouvement ! Le tétras-lyre s'avance sur la branche qui dépasse de la barre rocheuse.


Mais les écharpes de brume qui s'épaississent finissent par engloutir l'oiseau et l'effacent de ma vue.


Je reprends mon chemin. Je marche vers l'inconnu. Je m'éloigne de la forêt, et m'égare dans les terres d'altitude.


Mais dans la nature nous ne sommes jamais seul. Je finis par retrouver un chamois et je le suis, profitant du brouillard pour me dissimuler...


Soudain, je reste couché, je n'avance plus et je laisse partir le chamois. Il y a quelque chose juste là. Je rampe doucement, je l'approche. Je suis entièrement trempé. L'herbe glisse, la pente est assez forte. J'espère juste qu'il n'y a pas de vide dessous !


Quand j'arrive à ses côtés, je me rends compte que c'est un autre chamois.

En fait, il y en a plusieurs.


Certains apparaissent, d'autres s'éclipsent dans le brouillard...

Je les observe longuement, toujours tapis au milieu des gouttes d'eau qui s'accrochent sur les brins d'herbes et les toiles d'araignée.




Patience... J'attends, cela ne sers à rien de vouloir m'approcher plus, l'un d'eux me surveille de temps en temps, car il m'a peut-être vu arriver. Puis le calme s'installe, je gagne leur confiance. Si l'on sait attendre, certains peuvent parfois s'approcher très près sans être dérangé.


Juste à côté, un petit passereau vient se poser. Pour lui la chasse aux insectes est assez bonne mais l'escargot qui passe dessous semble apprécier d'avantage ces conditions météo.


Je me retire lentement, laissant les chamois disparaitre, et je me remet en route.
Je connais bien ces montagnes, pourtant c'est comme si j'avançais au milieu d'une terre inconnue, vierge de toute trace, où je découvre ce qu'il y a devant à chacun de mes pas.
La pente semble devenir plus raide.
Je fais attention, je ne vois pas ce qu'il y a dessous. C'est peut-être un ravin, et on a vite fait de glisser sur l'herbe mouillée.


Oui, l'herbe laisse la place au rocher et j'entends le son d'une cascade qui tombe pas très loin. Je ne dois pas m'aventurer dans les rochers, le seul ruisseau qui passe ici se trouve en bas d'une centaine de mètre de vide.


Mais je ne suis pas seul. Les bouquetins passent comme des ombres dans le brouillard.


Après de longues heures, la brume s'éclaircit.


Elle s'arrête le long d'une crête abrupte et sinueuse.

Elle bouge, elle monte, elle descend, comme si la montagne respirait.


L'humidité, l'eau... C'est ce qui conditionne la vie de certaines espèces.
Ici, les brins d'herbes sont plissés. Ils forment une minuscule trace. Quelqu'un est passé par là, sur le sol...


C'est un triton alpestre.


Pendant que l'on reste au chaud, à l'abri, la vie continue dans la montagne.

Alors si un jour quand vous ouvrez vos volets, le beau temps n'est pas au rendez-vous, ne restez pas enfermé.
Partez découvrir cet univers déboussolant, intriguant, sauvage, mais si calme.
Il suffit de quelque pas juste à côté de chez vous pour voyager dans un nouveau lieu, que l'on croyait pourtant si bien connaitre...


Mais pour retrouver un peu de soleil et de couleurs...

Il suffit parfois d'ouvrir les yeux !



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